Daniel Bensaïd

Le Sourire du spectre

À l’évocation de cette grande peur bourgeoise face à « l’esprit de l’insurrection », on imagine bien le léger sourire sur les lèvres du spectre qui, au printemps de 1848, « hante l’Europe : le spectre du communisme ». Un siècle et demi après cette proclamation inaugurale du Manifeste communiste, le spectre paraît s’être évanoui dans les décombres du socialisme réellement inexistant. L’heure est aux contre-réformes et aux restaurations. Il y a dix ans Francis Fukuyama décrétait la fin de l’histoire. Dans le Passé d’une illusion, François Furet prétendait refermer une fois pour toutes le dossier du communisme : affaire classée. Immobilisé dans son éternité marchande, le capitalisme devenait l’horizon indépassable de tous les temps.

Mort de Marx, mort des avant-gardes ?

Fin de l’histoire, fin du communisme ?

Les fins n’en finissent pas de finir. L’histoire se rebiffe. Son cadavre reprend des couleurs. Les fantômes s’agitent. Les revenants s’obstinent à troubler la quiétude de l’ordre ordinaire…

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