Fragments mécréants 2 Par Didier Epsztajn

Par Didier Epsztajn

J’avais un doute sur l’intérêt de consacrer son temps à Bernard-Henri Lévy. Pourtant, non seulement le dernier livre de Daniel Bensaïd est une réfutation brillante des prétendus « sept péchés capitaux » que l’encensé médiatique BHL impute à la gauche radicale (dans son dernier livre Ce grand cadavre à la renverse), mais c’est aussi un vibrant plaidoyer pour une politique inscrite « dans la tension entre détermination et contingence, événement et histoire, nécessaire et possible, droit et justice. »

Le livre débute par une présentation de « l’engagement de BHL » en défense d’une gauche raisonnable dite seule possible. Pour assumer cette gauche sans frontière sur la droite, il convient de stigmatiser la gauche fidèle, la gauche non reniée, non frelatée, non repentie. Pour se faire, B.-H. Lévy change les noms, brouille les cartes et inverse les valeurs. L’autoproclamé philosophe promet le bûcher et l’enfer pour nos péchés : l’antilibéralisme, le nationalisme, l’anti-américanisme, le fascislamisme, la tentation totalitaire, le culte de l’histoire et le suprême péché : l’antisionisme.

Sur chacun de ces points Daniel Bensaïd déconstruit la rhétorique, réajuste les sens, développe ses arguments, réaffirme ses positions et ses engagements. À titre d’exemples, contre les travestissements ou des positionnements unilatéraux, je voudrais juste faire quelques citations sur le dernier point.

Après avoir rappelé que l’antisionisme exprime « une opposition politique au projet consistant à résoudre la question juive par la création d’un État juif », l’auteur souligne que « l’existence d’un fait national juif en Israël n’en est pas moins aujourd’hui une réalité » et que « la synonymie Juif/Israël fonctionne comme un principe de délimitation et d’exclusion ».

Dans une « parenthèse étoilée », Daniel Bensaïd avec un « je » nécessaire rappelle qu’il s’est voulu communiste, mais qu’il ne s’est pas choisi juif, mais qu’il n’entend ni subir, ni renier cette part d’histoire singulière. « Elle n’est pas un destin, Et elle n’est pas non plus instantanément soluble dans l’eau glacée de l’abstraction universelle. »

Comme Walter Benjamin, l’auteur dans ce petit livre insiste : « Affirmer le primat du politique sur l’histoire et sur l’économie, c’est rouvrir les questions de la justice et de l’égalité, qui sont ses véritables enjeux » et nous rappellent que « La fatalisation rétrospective du devenir historique enterre les possibles latéraux, qui ne sont pourtant pas moins réels que le fait accompli ».

Un plaisir léger de lecture à partager entre honnêtes profanes et mécréant-e-s.

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